Mon âme qui voyage : Lettre à l’Occitanie

Par Nicole Denayrolles, 28 avril, 2025

Un texte de Meriem Ayad
2ème Prix du Concours 2025 de création en français

Chère Occitanie, 

Il arrive dans la vie que l’on perde le nord et qu’on se retrouve au sud, qu'on abandonne nos habitudes, qu'on quitte notre terre natale, tout ce qui a bercé notre enfance, pour se chercher ailleurs en taisant toutes nos frayeurs. 

C’est ainsi que je suis partie loin de ma famille, de ma patrie et de ce que j’étais pour devenir ce que je suis. Et quand on vient de loin comme moi, on plante des racines pour trouver un nouveau chez soi. Et c’est ce que j’ai trouvé en toi. Aujourd’hui, c’est mon âme qui voyage, et c’est ce qu’elle voit qu’elle décharge sur ces pages. C’est mon esprit que tu nourris, ma culture que tu construis. Je ne pourrais pas tout te dire, car la langue de Molière ne me permet pas de te le décrire, ou peut-être que mon vocabulaire est trop restreint pour savoir si bien écrire. 

Alors je commence par te dire merci, avant d’entamer ce qui s’en suit. C’est sous un ciel étoilé que Van Gogh aurait envié que tout a commencé, quand la tristesse m’a enlassée dans cette nuit noire, où je n’avais ni la vision ni les idées claires. Le soleil faisait briller les étoiles par son absence, et mes larmes coulaient avec les rives du Lez. 

Moi qui m’étais promis de tenir comme la tour de Magne au sommet des Jardins de la Fontaine… Je dois m’y faire : Victor Hugo ne parlera pas de moi. Il ne me décrira pas comme il l’a fait pour elle. De toute façon, elle était plus belle. Mes larmes ne sont pas les seules amères, il y a aussi ta mer — la Méditerranée — là où les vagues viennent mourir à mes pieds et renaître la seconde d’après. 

En toi, j’ai compris Voltaire, quand il disait : “tout est fait pour être au mieux.” J’ai vu cela en chacun de tes lieux. Tout semble être placé pour être au mieux, et me voilà, moi, au milieu. De chez moi, à mille lieues. J’étais tombée bien bas, moi qui étais tout en haut, sur le Viaduc de Millau. Mais je n’ai pas osé partir, je t’avais déjà dans la peau.

J’ai fini par dire oc à l’aventure. Et finalement, ma chère Occitanie, je n’aurais pas mieux fait. Car même à Paris, tu n’as rien à envier. Tu as même ton Arc de Triomphe à Montpellier. Tu exhibes les vestiges de la guerre des religions, en ta région, avec la cathédrale de Saint-Pierre. Je le vois, tes pierres regorgent de récits. Il y a aussi cette place de la Comédie. Je fus ébahie par sa beauté, plus que je n’ai ri. À Sainte-Afrique, le Roquefort, j’ai savouré. Il est peut-être temps de te l’avouer : je n’ai pas su l’apprécier. Mais je ne dis pas que je l’ai détesté, pour éviter de te vexer. 

Et me voilà à Nîmes, avec mon vieux jean Denim. Il y faisait si bon, là où les monuments semblaient résister au temps. Comme avec le paradoxe des angles droits : une forme rectangulaire, mais c’est une Maison Carrée. Ça m’a bien fait marrer. Monter les marches ne fut pas un défi pour mon cardio, mais pour mes superstitions, moi qui craignais les chiffres impairs. De maison de consul à église à musée… étonnant qu’elle soit si bien préservée. 

Il y a aussi les arènes : soixante arcades à chaque niveau. J’ai rarement vu un monument aussi beau. Là où, dans un temps, on constatait une séparation des classes, Aujourd’hui, chacun est libre d’y choisir sa place. Je vois en toi le mariage du moderne et du classique. Je te vois danser un slow avec l’Histoire. Et j’entends, avec nostalgie, le bruit de tes troubadours, qui remplacent les tambours de chez moi. Il y a encore tant à découvrir, et j’ai encore tellement de choses à t’écrire. Car entre le début et la fin de mon voyage, il y a eu toutes mes premières fois : Mon premier voyage, mon premier appartement, et mon premier Noël. Alors sache que ceci n’est que ma première lettre.